06 septembre 2010
Emilie Vast : interview et chronique
Emilie Vast a accepté de répondre à nos questions : une grand merci à elle !
En cliquant sur lire la suite, retrouvez la présentation de ces deux ouvrages, l'interview et les illustrations qu'elle a bien voulu nous confier.
L'herbier d'Emilie Vast - Arbres feuillus d'Europe ; Emilie Vast ; Editions MeMo,
septembre 2009, 17 €
Le châtaignier
le marronnier
l'érable
Ces deux ouvrages se présentent sous forme de deux beaux cahiers. Deux herbiers magnifiques au format souple et doux.
Le contenu lui est tout simplement bluffant. Des doubles pages à chaque fois, qui sont dédiées à une espèce d’arbre (pour le premier) ou de fleur (pour le second).
Sur votre droite : le nom de la plante et sa famille de rattachement accompagné d’un texte faisant le lien avec les différentes mythologies du monde, les légendes, ses vertus, l’utilisation de ses feuilles, fleurs, fruits et/ou bois… Vous apprendrez ainsi au détour d’une page que la primevère élevée est dédiée dans la mythologie nordique à la déesse Freyja, déesse de l’Amour, devenue pour les chrétiens la « clef de notre dame », depuis que Saint Pierre a lâché les clefs du paradis… Le bouleau lui vous livrera ses secrets : symbole de pureté, de lumière et de science, il est au centre de nombreux rites chamaniques ; arbre sacré pour les Amérindiens et les peuplades nordiques… ou plus romantique et triste avec la création du châtaignier créé par Zeus en souvenir de la nymphe Nea qui se donne la mort plutôt que de céder à ses avances…
Un texte savant, cohérent et passionnant, superbement documenté. Le cadre noir de la page de droite où trône une feuille en couleur ou la fleur s’oppose à la page de gauche lumineuse ou a été reproduite une branche avec fruits, fleurs… pour le premier ; la plante avec ses feuilles, fleurs et son système racinaire pour le second.
A la fin dans les deux cas une sorte de table des matières un peu particulière qui nous apporte d’autres informations :
Pour les arbres : famille ; feuilles ; fruits ; hauteur ; longévité
Pour les fleurs : famille ; multiplication ; floraison ; taille ; toxicité.
Un bonheur pour les yeux et pour les neurones : à offrir aux plus jeunes, mais à s’offrir aussi !
L'herbier d'Emilie Vast - Petite flore des bois d'Europe ; Emilie Vast ; Editions MeMo,
juin 2010, 17 €
l'anémone Sylvie
la jacinthe des bois
la petite pervenche
la violette des bois
Interview :
1. Bonjour, pouvez-vous en quelques mots vous présenter à nos lecteurs ?
Eh bien, je me qualifie d’abord d’illustratrice mais je suis également graphiste et plasticienne. j’ai eu une formation artistique (DNSEP à L’ESAD de Reims) mais me considère plutôt comme autodidacte. Je me suis mise réellement au dessin après mes études.
J’aime l’épure, la ligne et le travail de la couleur. Mes principales références sont la nature elle-même, l’art nouveau/déco, les illustrateurs des années 50-60, les cabinets de curiosités…
2. Les deux herbiers sortis chez MeMo : comment sont-ils nés ? Une envie ? Une commande ?
Le premier herbier est né d’une longue réflexion et d’une vraie envie éditoriale. Je souhaitais ardemment travailler pour MeMo, j’aimais la qualité de leurs livres, leur graphisme et leurs choix éditoriaux. Alors j’ai réfléchi à ce que j’avais envie de faire et qui pourrait leur convenir. Ils avaient des animaliers (ceux de Janik Coat), des abécédaires (ceux d’Anne Bertier) et moi adorant dessiner les plantes, l’herbier s’est imposé! Cela a plu très vite à Christine Morault. Pour le second, c’est différent, je ne pensais pas avoir la chance d’en faire un nouveau, c’est donc plus une commande. Mais c’était déjà une envie avant qu’on me le demande.
3. Quand on a envie de réaliser ce type d’ouvrage, est-ce qu’on reprend tout depuis le début, ou alors aviez vous fait un travail préparatoire important avant ? (ou après)
Quand j’ai envoyé le projet à MeMo, j’avais fait une dizaine de planches, il n’était donc pas encore complet, mais il était déjà très proche de sa forme actuelle. Les textes avaient déjà une orientation mythologique et historique et les planches en vis-à-vis étaient déjà noires avec la découpe de la feuille en couleur. Les couleurs d’ailleurs n’ont quasiment pas changé. Mais entre le moment où j’ai proposé l’herbier et sa sortie, il s’est passé pas mal de temps ( MeMo ayant décidé de sortir d’abord un album avant de s’attaquer aux herbier, là est né Koré-No, l’enfant Hirondelle, un projet réalisé avec Anne Mulpas qui dormait sagement dans mes tiroirs...). Mon dessin s’étant affiné durant cette période, les nouvelles planches qui venaient compléter les premières étaient donc un peu différentes. J’ai donc de moi-même tout retravaillé, ajoutant plus de mouvement et de précision. Ensuite, MeMo a travaillé avec moi sur le graphisme (couverture, typo, mise en page…) et sur les textes qu’il a fallu équilibrer et réécrire, n’étant pas une grande écrivaine…
4 Les références sont multiples et variées : cela vous a-t-il demandé beaucoup de recherche, de travail, ? Pourquoi cette envie de varier les horizons, les univers ?
Oui, cela a demandé beaucoup de recherches. Même si c’est un album qui se veut graphique, il fallait néanmoins qu’il soit juste ! Je connais assez bien les plantes, mais je n’en connaissais pas tous les détails. Il m’a fallu une grosse documentation graphique, j’ai accumulé beaucoup de représentation de chaque plante afin de pouvoir en retenir l’essentiel. Idem pour les textes. L’orientation non purement botanique est un réel choix. C’est un herbier, certes, il sert avant tout à reconnaître les plantes, mais je voulais également qu’il puisse être source d’imaginaire, qu’il soit ouvert à l’histoire, la mythologie, la médecine… Une ouverture sur le monde par le biais des plantes.
5. Pour les illustrations, comment avez-vous travaillé ? Comme avec un herbier classique : vous aviez la plante en face de vous … le choix des couleurs, de l’encre ? ...
Comme je l’expliquais, j’ai travaillé surtout à partir de documents, de précis de botanique, de photos. Et même si, au cours de mes ballades, j’en profitais pour bien regarder la plante en réel, le choix de mettre les différents stades de la plante sur la même branche (fleur, feuille, fruit, bourgeon…), rendait impossible de me contenter de cette observation.
Encore une fois, je ne voulais pas réaliser un herbier « classique », je le voulais graphique. J’ai donc fait le choix assez original d’utiliser uniquement le noir + une couleur. Le noir, pour les feuilles et tiges, permet un fort contraste, une sorte d’ombre chinoise qui va à l’essentiel de la forme. La couleur, quant à elle, vient marquer les éléments plus variables à observer. J’utilise ce « code » dans la plupart de mes travaux, la couleur vient généralement ponctuer quelque chose, elle n’est jamais fortuite. Ensuite, le choix de la couleur en elle-même se fait de manière esthétique, j’utilise celle qui me semble appropriée à la composition.
6. (Vu la qualité du travail le format et le type d’ouvrage ), certains sont encore surpris que ce soit dans une édition jeunesse qu’ils soient sortis et qu’on les trouve dans les rayons des libraires jeunesse. Qu’en pensez- vous ? Et d’ailleurs pourquoi travailler en jeunesse ?
Quand j’ai réalisé l’herbier, je savais qu’il se destinerait à l’édition jeunesse. Mais quand je dessine je ne pense pas spécialement en terme de jeunesse ou d’adulte, je dessine, c’est tout. Mais il faut faire un choix ! L’herbier aurait eu du mal à mon avis à exister si je l’avais proposé à des éditions « adultes ». MeMo est un très bon compromis, je pense que leurs livres, bien qu’ils soient clairement jeunesse, plaisent énormément aux adultes de par leur graphisme et la qualité d’éditions. Ils sont pour moi un maillon de l’évolution ! En France, on a encore du mal à concevoir qu’un livre illustré de dessins « simples » puisse être pour adulte. Nous sommes encore fortement soumis à la classification par âge ; chose que je trouve aberrant. Au Japon, j’ai réalisé des livres qui selon moi, se destinaient plus à la petite enfance, et finalement, mon éditeur m’a expliqué que lui visait plutôt les jeunes adultes ; là-bas ils ne font aucune distinction. Ici, nous éduquons les enfants ainsi, arrivé au collège (et parfois même avant) un enfant qui lit un livre avec des « images », sera vite traité de « bébé »…
Donc si certains sont étonnés de retrouver mon livre en jeunesse, je crains qu’ils ne soient, je le déplore, pas la majorité. Mais il est vrai que même sur les salons, je constate avec joie que les adultes s’y intéressent parfois presque plus que les enfants. Pour moi c’est un pari gagné, avoir un dessin le plus universel possible, sans barrière d’âge ou de pays.
Maintenant rien n’empêche nos amis libraires de prendre la liberté de sortir un livre du rayon jeunesse et de le placer là où ils estiment avoir aussi sa place.
7. Le premier herbier a reçu une mention du prix « non fiction » du Bologna Ragazzi Award 2010. Une surprise ? Très heureuse on imagine ? Cela change quoi ?
Heureuse ? Oui forcément ! surprise ? encore plus ! En non-fiction, la plupart des livres se présentent de manière assez scientifique, réaliste. J’imagine que mon herbier en cela a marqué la différence. Ce que j’ai apprécié, c’est que le jury ait dit que « mon livre était autant un précis de botanique, qu’un livre sur l’art nouveau », l’art nouveau, c’est l’une de mes références essentielles dans ce travail et c’est la première fois qu’on le fait remarquer.
Avoir ce prix, ne change pas foncièrement grand chose, mais il est une chance de se faire connaître un peu plus, surtout internationalement, une chance éventuelle de voir son livre édité dans d’autres pays, ce qui n’est pas rien !
8. La suite ? Secret ? Un scoop ? Qu’allez vous nous offrir de merveilleux ?
J’ai plusieurs projets en tête, mais rien de réellement établi. Par contre je parlais plus haut de mon éditeur japonais, j’ai un livre appelé Korokoro qui est sorti là-bas et en Espagne, qui va enfin également être édité en France. C’est un petit livre objet en accordéon. Il doit sortir en mars chez Autrement.
Un immense merci à Emilie Vast d'avoir pris le temps de nous répondre longuement et pour ses livres.
Jean-Luc Clerc
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