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29 novembre 2010

Tout près, le bout du monde

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Jul, Solam, Malo : trois adolescents perdus, mal dans leur peau. Trois histoires différentes mais peut-être pas tant que cela, tant leur mal être et leur souffrance à fleur de peau les rapprochent sans qu’ils s’en rendent compte. Leur histoire est celle de jeunes déboussolés qui un jour sont placés dans une ferme à rénover auprès de Marlène, une femme qui les accueille, les écoute, les entend, encaisse, sans jamais changer de cap.

Pour aider ces trois êtres perdus elle leur propose de travailler, mais aussi d’écrire. Une page par jour, un journal de bord pour eux, pour exprimer, donner des mots, faire prendre forme à leurs maux.

Ainsi, nous lecteurs, allons être confrontés à leur journal, comme si nous étions dans leur tête, comme si nous regardions de haut leur évolution, regardant leur histoire se dérouler devant nos yeux étonnés.

Car  Maud Lethielleux a fait le choix, le pari, de construire la totalité de son roman par leur voix. Il n’y a pas d’autres expressions que la leur, pas de chapitres narratifs, l’adulte ne prend jamais la parole si ce n’est dans le récit, par la voix des adolescents. Chaque chapitre nous amène à changer d’interlocuteur (de plus pour chacun d’entre eux, une typographie différente s’est imposée, qui vous le verrez correspond assez bien au caractère de chacun d’eux). De Jul perdue, parlant à Jey son amour, en passant par Malo le plus jeune qui ne sait pas bien ce qui cloche chez lui à Solam dont la violence et le verbe sont crus. Au départ, je crois que je me suis senti mal à l’aise, presque voyeur et dérangé par la crudité du langage de Solam notamment. Pourtant les voix lancinantes des deux autres donnaient à respirer, s’accrocher.

Et peu à peu, alors que se dessine leur histoire, leurs envies, les secrets, les découvertes sur les uns et les autres, alors que le discours de Solam se structure et dévoile sous la violence une vraie personnalité dure, attachante qui s’ouvre aux autres au fur et à mesure que sa haine se calme, s’épuise… on n’imagine même pas un instant lâcher le livre. On  a besoin de savoir, en attente de leur évolution, l’envie de connaître, l’espoir que peut-être ils sauront aller plus loin. Solam sert de déclencheur et de détonateur en même temps, c’est lui qui brouille les cartes, s’immisce dans la vie des autres, rapporte des secrets, des non-dits et permet ainsi à l’histoire de se construire en parallèle des journaux des deux autres protagonistes dont l’écriture est plus intimiste, plus tournée vers eux-mêmes comme celle de Jul.

On pourra aimer ou pas ce parti pris de l’auteur de nous projeter, de nous entrainer peu à peu dans leur monde, à leur côté dans leur souffrance (car il s’agit bien de cela, peu à peu on n’est plus un simple spectateur, notre souffle se calque sur celui des héros), mais certainement pas rester indifférent.

Tout près, le bout du monde, est un roman rare, comme on en lit peu, difficile parfois, abrupte par certains aspects des histoires qu’il rapporte, mais d’une grande humanité et tendresse pour ces jeunes perdus, venus chercher chez Marlène (de gré ou de force) ce petit quelque chose qui va leur mettre le pied à l’étrier pour affronter la vie autrement. Un roman qui laisse sans voix au terme de la lecture, le cœur chamboulé, l’émotion au bord des yeux. A découvrir !

 

Luc

 

Tout près, le bout du monde ; Maud Lethielleux ; Editions Flammarion, collection tribal, novembre 2010, 10 €

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