17 septembre 2009
Récit d'une mort annoncée
Anthony McGowan
Traduit de l'anglais par Cécile Chartres
Milan Jeunesse, Collection Macadam, juin 2009, 9€
« J'aimerais bouger. Partir d'ici ou vers autre chose. Agir. Mais je ne peux pas bouger, j'ai été brûlé et je suis comme l'un des corps recouverts de cendres de Pompéi, figé par la lave en fusion. Seuls mes yeux fonctionnent encore. Et cela suffit pour le voir venir. Le couteau qui va me tuer. Il est dans la main d'un garçon. Le garçon vient pour me tuer. Je dois m'enfuir. Je ne peux pas courir. J'ai trop peur pour courir.
Paul ne se souvient pas du moment précis de sa mort. Il se souvient d'avant. De l'atmosphère angoissante des cours au lycée. De la violence des gros durs de la classe. De services qu'il n'aurait pas dû rendre. Des sourires de Maddy... Et de ce couteau. Celui qu'il tenait au moment de sa mort... »
Ce court roman d'Anthony McGowan fait froid dans le dos. Il commence de façon très mystérieuse par la description de l'arme, du couteau, couvert de runes magiques, arme légendaire aux propriétaires aux noms immortels...Mais rien de tel dans la réalité. Ce récit nous plonge dans l'univers quotidien de Paul, un monde angoissant, où l'angoisse, la peur suintent des pages. Un roman fantastique pas au sens esprits frappeurs ou monstres en tous genres. Non rien de tel, juste une angoisse diffuse, liée au ton employé et à la façon de construire le récit. Son héros Paul raconte, se raconte nous entraine dans son lycée, sa chambre avec ses ennemis : le terrifiant Roth à l'aura maléfique et terrifiante, les « Zarbis » avec qui il pourrait devenir ami : Shane, Maddy, Billy... les parents, les profs. Tout se déroule comme si nous flottions au-dessus de l'histoire, comme si nous étions nous aussi déjà « morts », témoins impuissants de l'histoire, incapables d'interagir et d'empêcher la catastrophe.
Car on le sent rapidement quelque chose d'inéluctable est en train de se dérouler et rien ni personne ne pourra l'empêcher. L'auteur nous entraine dans le cauchemar de Paul et nous nous y enfonçons avec lui. Réflexion sur la dépendance, la solitude, la peur du regard de l'autre, des autres, des phénomènes de groupes, sur la lâcheté également, les décisions à prendre pour rester vivant. Car il y a plusieurs façons de mourir et la lame d'un couteau aussi dangereuse soit-elle n'est pas la seule arme ou la seule mort à craindre.
Incisif et très bien construit. Un très bon roman étrange qui pousse à la réflexion.
Jean-Luc Clerc
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