13 décembre 2022
Sélection Noël 2022 : Le poids des héros
Ouaous, quelle claque ! Ce magnifique album de David Sala nous plonge dans son intimité, celle de sa famille et de ses deux grands-pères héros de guerre et de la résistance. Son grand-père maternel qui ouvre l’histoire n’avait d’ailleurs pas voulu mourrir avant que Franco le dictateur responsable de son malheur se soit lui aussi mort. C’est ce petit garçon, qui joue, a des copains qui découvre peu à peu le passé de sa famille, leur engagement, les déchirures, la souffrance et le cauchemar de la persécutions des nazis notamment. Avec cet opus somptueux l’auteur nous embarque dans la mémoire de ses grands parents, dans la mémoire de sa famille, et pose les jalons de la transmission et de la mémoire qui passe d’une génération à l’autre, nécessaire jalon pour ne rien oublier. Mais il pose aussi en filigrane la question de comment le faire, avec quelles conséquences sur les enfants notamment. Comme à son habitude le travail de David passe par des illustrations somptueuses et qui convoque des grands noms comme David Olère pour évoquer le cauchemar des camps ou des pages picaresques sublimes et sombres ou avec le retour à l’envie de passer à autre chose de plus lumineux, plus heureux, son cher Klimt avec le clin d’oeil à l’album Banshee.
De la première page où son grand-père Antonio Soto de Torrado doit fuir l’Espagne en urgence pour échapper à Franco, du cauchemar de la Seconde Guerre mondiale qu’on retrouve ensuite avec son autre grand-père lui aussi en lutte contre les dictatures totalitaires, Josep Sala, la boucle tourne, la vie continue, les luttes sont toujours là se transmettant de génération en génération et comme souvent peut être à la génération suivante celle du petit fils qui mieux de quiconque a su raconter, transmettre, nous transmettre, ce monde d’avant, ces luttes, ces combats qui nous ont rendu libres. Le petit David est devenu grand, un très grand artiste qui par son travail nous livre une part de lui-même, pose la question de comment transmettre, de la nécessité de le faire et qui au-delà de la mémoire de son histoire familiale nous parle de la notre avec cette plongée en couleur dans les années soixante-dix avant de se rapprocher de nous et de vider les maisons au décès de la première génération, car le temps passe et les enfants, les arrières-petits enfants sont déjà là à poser des questions sur ce qu’ils trouvent dans les greniers. On ne sort pas indemne de cet album. Éblouis par le travail de l’artiste, sonnés par l’histoire et ses vagues de mémoire successives qui peu à peu reviennent au grand jour avant qu’il ne soit trop tard. Alors en refermant le livre, ivre d’images, de couleurs, d’émotions transmises, on sait le coeur battant qu’on n’oubliera pas de sitôt ces hommes et ces femmes que David Sala nous a aussi prêtés pour qu’on raconte encore et encore leur histoire et qu’on n’oublie pas. Epoustouflant.
Jean-Luc
Le poids des héros
David Sala
Editions Casterman, 19 janvier 2022, 24 €
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